On se moque régulièrement des comités de quartier en prétendant qu’ils ne s’intéressent qu’aux « crottes de chien » tandis que les élus ont, eux, de grands projets visionnaires pour nous, les citoyens.

C’est avec un plaisir non dissimulé que je constate que le Maire de Nice se préoccupe, lui aussi, de ce problème récurant puisqu’il lance une campagne de sensibilisation intitulée : « Pour que Nice reste Nice… Surveillons nos chiens ! ». Le responsable des déjections canines y est identifié et dénoncé : l’incivisme. Le coupable étant abstrait, il a le mérite de fédérer tout le monde contre lui. Surtout, il a l’extrême avantage de dédouaner le maire de l’état déplorable des trottoirs : l’incivisme résulte d’un manque d’éducation qu’on ne peut, bien sûr, pas lui imputer.

Sauf que, et il convient visiblement de le rappeler, un arrêté municipal du 24 janvier 1970 interdit « de laisser déposer sur les trottoirs et allées, dans les squares et jardins, etc., les déjections des animaux » ; c’est une infraction passible d’une amende de 3 000 FF. Cette pratique est néanmoins expressément tolérée « dans les caniveaux des voies publiques ou privées ». La réglementation étant assez souple, il est possible, voire facile, pour les propriétaires de chiens de la respecter tout en permettant à leur animal d’assouvir leurs besoins naturels. Le montant de l’amende est suffisamment dissuasif pour achever de les convaincre. Encore faut-il appliquer la loi. On peut effectivement faire des campagnes de sensibilisation pour expliquer pourquoi il faut l’appliquer… mais il faut l’appliquer ! Or, il me semble que celui qui est chargé de faire respecter un arrêté municipal, c’est le maire. J’observe pourtant qu’aucune amende n’a été dressée pour ce motif depuis son élection. Cela me laisse penser que les déjections canines résultent moins de l’incivisme que du laxisme, car le premier découle du deuxième. Pour que Nice reste Nice… Assumons nos responsabilités !

Certes, on m’objectera que les propriétaires de chiens sont souvent des personnes âgées, et que ce sont elles qui sont les plus nombreuses à aller voter le jour des élections (notamment municipales) et que, pour ce motif, il est prudent pour un maire – qui entend le rester – d’éviter de les contrarier. Une question me vient alors : est-ce que le Maire de Nice doit s’occuper des électeurs… ou des habitants ?

Jean-Christophe PICARD